Article de Dominique Bucheton, professeure des Universités et de Denis Paget, ancien responsable au Snes-FSU et membre du Conseil Supérieur des Programmes (CSP)
La colère gronde. La colère est grande, contre le mépris, contre les institutions bafouées, contre la violence de gouvernements qui « pour épargner les grandes fortunes, obscurcit l’avenir de millions d’enfants » analysent Dominique Bucheton, professeure des Universités et Denis Paget, ancien responsable au Snes-FSU et membre du Conseil Supérieur des Programmes (CSP).
- Il y a de la colère certes, mais ils rappellent que la riposte se prépare, pour « reconstruire ensemble, démocratiquement un projet nouveau pour l’école à la hauteur des enjeux sociétaux, économiques, climatiques ».
- Avec le collectif La Riposte, « nous organiserons un grand Grenelle alternatif pour réinventer l’école de demain » écrivent-ils.
Oui, la colère gronde, exprimée ou pas, chez tous les personnels et acteurs de l’éducation, les enseignants, les familles, les formateurs, les personnels de direction, les chercheurs, bref chez tous ceux pour qui défendre l’école et l’université publique, l’empêcher de sombrer un peu plus est une urgence.
Colère contre le mépris
Une colère d’abord contre le mépris de notre nouveau premier ministre et de ses prédécesseurs à l’égard de nous tous citoyens ; il tente de nous faire accroire que ce fameux déficit du budget dont on nous rebat les oreilles à longueur d’antenne, nous en serions responsables ! Et donc qu’il n’y aurait d’autre solution que d’essorer un peu plus l’école, la santé, les transports, tous nos grands et si précieux services publics. Un premier ministre sourd et aveugle aux difficultés des plus démunis, aux ambitions stoppées nets de nombre d’étudiants modestes, de lycéens anxieux, d’élèves qui n’ont pas d’enseignants dans toutes les matières, de vacataires qui font ce qu’ils peuvent ! Mépris arrogant envers ceux qui osent demander qu’on touche aux grands patrimoines, qu’on ne laisse plus se gaver un peu plus le grand patronat et les très hauts revenus qui ont tant usé et abusé des largesses du macronisme.
Colère contre des institutions bafouées
Colère aussi de voir toutes nos institutions à peu près démocratiques, bafouées chaque jour un peu plus par ceux qui, minoritaires, s’accrochent au pouvoir. Pseudo consultations des syndicats et associations, gouvernance autoritaire et descendante de l’éducation nationale privant de leurs responsabilités et espaces de décision les cadres supérieurs et intermédiaires de l’éducation nationale, jusque dans la vie ordinaire de l’établissement et la classe où les enseignants ont de moins en moins la liberté et la maîtrise de leurs pratiques pour s’ajuster aux élèves. Des métiers qui perdent ainsi tout sens ! C’est toute l’histoire, le patrimoine, les valeurs, les savoirs, la culture d’une institution qui se délite ! Il importe peu à notre premier ministre, à son mentor de Président, ses ministres pseudo-démissionnaires, qui courtisent, dînent, discutent avec toute la droite et l’extrême droite, que ceux qui vont trinquer le plus, ce sont les enfants des REP, les familles les plus pauvres, les parents d’enfants handicapés qu’on ne peut scolariser que un ou deux jours par semaine.
Peu leur importe non plus si le métier d’enseignant n’attire plus : il est mal payé, méprisé, insuffisamment formé. Il devient de plus en plus difficile avec l’hétérogénéité accrue des publics et la violence sociale que les élèves parfois répercutent.
Colère contre « la violence d’un gouvernement qui, pour épargner les grandes fortunes, obscurcit l’avenir de millions d’enfants »
Mais notre colère la plus importante tient à la violence d’un gouvernement qui, pour épargner les grandes fortunes, obscurcit l’avenir de millions d’enfants. Ils tentent par tous les moyens d’affaiblir et de privatiser l’école publique et l’université. Ils ne comprennent pas que l’avenir d’un pays, de son économie, de son rayonnement dans le monde, passe par un développement sans précédent de l’intelligence collective et créative de toute une société. Sa capacité à répondre aux défis climatiques, à construire la paix dans un monde interconnecté repose sur l’invention de technologies audacieuses, sur la production de savoirs nouveaux, sur des vertus civiques longuement travaillées à l’école et donc sur l’élévation du niveau de formation de tous. Oui, la situation économique du pays et son rayonnement appellent un investissement dans l’école et la recherche. Ce sont des priorités vitales pour une nation démocratique.
Pour l’ensemble de ces raisons le collectif La Riposte Education, soutient et participe aux luttes qui se déroulent actuellement depuis le 10 septembre. Pas d’autre solution en effet que de faire front commun, pour résister, refuser collectivement les mesures délétères, iniques qui déjà tombent partout dans les établissements scolaires, suppriment des classes, changent les programmes sans concertation, etc.
Refuser oui, mais plus encore reconstruire ensemble, démocratiquement un projet nouveau pour l’école à la hauteur des enjeux sociétaux, économiques, climatiques. La Riposte est soutenue par une quarantaine d’organisations syndicales et associatives. A ce titre et avec leur soutien nous organiserons un grand Grenelle alternatif pour réinventer l’école de demain.
Dominique Bucheton, Denis Paget
Article sous le titre « Jours de colère » dans le Café Pédagogique du 3/10/2025.